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Réinventer son histoire après une perte : comment la Thérapie Narrative transforme l'accompagnement du deuil

Dernière mise à jour : 3 juin

J’avais 28 ans quand j’ai dû dire au revoir à mon père. Il en avait 68, c’est jeune pour partir, diront certains. C’est toujours trop jeune quand on aime et surtout, personne n’est préparé à cela.

Je me souviens de l’appel de ma mère en pleine nuit m’annonçant qu’elle venait d’avoir la clinique, elle ne semblait pas croire ce qu’elle me disait. Je ne la croyais non plus. Je l’entendais de loin, très loin, mes oreilles voulaient se fermer, j’étais sonnée, étourdie, abasourdie. Je ne reconnaissais même plus sa voix. Elle pleurait. Je ne me souvenais pas l’avoir entendu pleurer jusque-là. J'ai raccroché et je n'ai plus fermé l'œil de la nuit, guettant l'heure où je pourrais enfin aller à la clinique.


Entendre la tristesse de ses proches est une chose, la voir en est une autre. En arrivant à la clinique où ma sœur et mon frère entouraient déjà ma mère, j’ai compris qu’il ne fallait pas flancher, comme un reflexe j’ai enduré, sans m’écrouler alors que je l’aurais bien fait. Tout paraissait lointain, distancié, même l’image était étrange, flottante, je n’avais jamais ressenti flottement si désagréable avant ce jour-là. Je n’allais plus voir mon père. Plus jamais sentir sa chaleur, plus jamais entendre son rire et sa voix réconfortante, plus jamais voir ses yeux rieurs. Le sol se dérobait sous mes pieds à chaque pas forcé que je marquais pour rejoindre sa chambre. Je marchais désormais sur un sol mouvant. Une des fondations de ma vie n’était plus là, je ne sais comment l’expliquer, mais je le sentais.


C’était en 2008. Depuis, les années ont passé, les premières plus difficiles que les suivantes, mais c'est vraiment le jour où j'ai découvert la thérapie narrative et sa manière d'aborder le deuil que j'ai pu reparler de mon père sans sentir mon cœur se resserrer. En thérapie narrative, il ne nous est pas demandé de dire « adieu » à la personne perdue. Au contraire, dans cette forme d’accompagnement on considère que « Les personnes disparaissent, mais que les relations ne meurent jamais (1). » Les entretiens narratifs effectués avec la personne endeuillée ont pour vocation d’honorer la relation qui a existé et qui continue d’exciter.

 

Si je devais vous expliquer en quelques mots ce qu'est la thérapie narrative, je reprendrais une métaphore souvent utilisée dans cette approche : imaginez votre vie comme un livre dont vous êtes à la fois l'auteur, le personnage principal et le narrateur. Parfois, des chapitres douloureux s'imposent à vous, comme la perte d'un proche. La thérapie narrative ne cherche pas à effacer ces pages difficiles, mais vous aide à les intégrer dans une histoire plus large, plus riche, où la souffrance coexiste avec l'amour, les souvenirs précieux et la possibilité de sens.

La thérapie narrative est particulièrement efficace pour accompagner le deuil car elle honore la relation unique que vous entreteniez avec la personne disparue. Contrairement aux modèles traditionnels qui proposent des "étapes" universelles du deuil, la thérapie narrative reconnaît que chaque relation est unique. Votre lien avec la personne disparue ne ressemble à aucun autre, et votre façon de vivre cette perte ne doit suivre aucun schéma préétabli.


L'une des révolutions de cette approche réside dans l'idée que la mort met fin à une vie, mais pas à une relation. Plutôt que de vous encourager à "lâcher prise", la thérapie narrative vous aide à explorer comment cette personne continue d'influencer positivement votre vie :

  • Quelles valeurs vous a-t-elle transmises ?

  • Comment ses enseignements vous guident -ils encore aujourd'hui ?

  • De quelle manière pouvez-vous honorer sa mémoire dans votre quotidien ?

Ces questions créent des passerelles entre le passé et le présent. Elles vous permettent d'honorer votre lien avec la personne disparue tout en vous ouvrant à de nouvelles relations avec les vivants. Ainsi, un homme dont le père était passionné de jardinage pourra retrouver sa présence en cultivant à son tour un potager. De même, une femme dont le mari valorisait profondément la communication pourra honorer sa mémoire en privilégiant le dialogue et l'écoute dans ses relations.


Pour qui cette Approche est-elle Particulièrement Indiquée ?

La thérapie narrative convient particulièrement si vous :

  • Ressentez que votre identité a été bouleversée par la perte

  • Avez l'impression d'être "coincé" dans votre deuil

  • Souhaitez maintenir un lien avec la personne disparue

  • Cherchez à donner du sens à cette expérience


Si cet article résonne en vous, sachez que vous avez déjà commencé le travail. En lisant ces lignes, en vous questionnant sur votre propre histoire, vous faites preuve de cette curiosité narrative qui est le moteur du changement.

Le deuil n'est pas un chemin que l'on parcourt seul. Si vous ressentez le besoin d'être accompagné dans cette démarche de réécriture douce et respectueuse de votre histoire, n'hésitez pas à me contacter. Ensemble, nous explorerons comment transformer cette épreuve en sagesse, cette blessure en force, cette fin en nouveau commencement.


(1) Dire bonjour à nouveau, sous la coordination de Catherine Mengelle et Pierre Blanc-Sahnoun (Editions SATAS)

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